Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 4.djvu/474

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1676de l’honnêteté ; il connoît le monde ; enfin j’en suis contente. Il me parloit donc pendant que j’étois au supplice. Représentez-vous un jet d’eau contre quelqu’une de vos pauvres parties, toute la plus bouillante que vous puissiez vous imaginer. On met d’abord l’alarme partout, pour mettre en mouvement tous les esprits ; et puis on s’attache aux jointures qui ont été affligées ; mais quand on vient à la nuque du cou, c’est une sorte de feu et de surprise qui ne se peut comprendre ; cependant c’est là le nœud de l’affaire. Il faut tout souffrir, et l’on souffre tout, et l’on n’est point brûlée, et on se met ensuite dans un lit chaud, où l’on sue abondamment, et voilà qui guérit. Voici encore où mon médecin est bon ; car au lieu de m’abandonner à deux heures d’un ennui qui ne se peut séparer de la sueur, je le fais lire, et cela me divertit. Enfin je ferai cette vie pendant sept ou huit jours, pendant lesquels je croyois boire, mais on ne veut pas, ce seroit trop de choses de sorte que c’est une petite allonge à mon voyage. Les dérèglements sont tous réglés, et c’est pour finir cet adieu[1], et faire une dernière lessive, que l’on m’a principalement envoyée, et je trouve qu’il y a de la raison : c’est comme si je renouvelois un bail de vie et de santé ; et si je puis vous revoir, ma chère, et vous embrasser encore d’un cœur comblé de tendresse et de joie, vous pourrez peut-être m’appeler encore votre bellissima madre, et je ne renoncerai pas à la qualité de mère-beauté, dont M. de Coulanges m’a honorée. Enfin, ma chère enfant, il dépendra de vous de me ressusciter de cette manière. Je ne vous dis point que votre absence ait causé mon mal : au contraire, il paroît que je n’ai pas assez pleuré, puis-

  1. Mme de Sévigné avait eu cinquante ans le 5 février précédent.