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et quand il rêve et rentre en lui-même, il la prend pour la cause de ce dernier malheur[1]. Un courtisan vouloit lui faire croire que ce n’étoit rien que ce qu’on avoit perdu ; il répondit qu’il haïssoit ces manières, et qu’en un mot c’étoit une défaite complète. On voulut excuser le maréchal de Créquy ; il convint que c’étoit un très-brave homme ; « mais ce qui est désagréable, dit-il, c’est que mes troupes ont été battues par des gens qui n’ont jamais joué qu’à la bassette. » Il est vrai que ce duc de Zell est jeune et joueur ; mais voilà un joli coup d’essai. Un autre courtisan voulut dire : « Mais pourquoi le maréchal de Créquy donnoit-il la bataille ? » Le Roi répondit, et se souvint d’un vieux conte du duc de Weimar[2], qu’il appliqua très-bien. Ce Weimar étoit en France, et un[3] vieux Parabère[4], cordon bleu, lui demanda, en parlant de la dernière bataille qu’il avoit perdue : « Monsieur, pourquoi la donniez-vous ? — Monsieur, lui répondit ce duc de Weimar, c’est que je croyois la gagner ; » et puis se tourna : « Qui est ce sot cordon bleu-là ? » Toute cette application est extrêmement plaisante. M. de Lorraine[5]

  1. LETTRE 432 (revue sur une ancienne copie). I. Voyez ci-dessus ; p. 48, le commencement de la lettre du 13 août, et, plus bas, p. 112, celle du 4 septembre suivant.
  2. Bernard de Saxe-Weimar, l’un des plus grands capitaines du commencement du dix-septième siècle, mort le 18 juillet 1639, à l’âge de trente-neuf ans. Il vint à Paris en 1636 et en 1637.
  3. Tel est le texte du manuscrit et de la seconde édition de Perrin (1754). Dans la première (1734), le chevalier avait ainsi allongé la phrase « Ce Weimar, après la mort du grand Gustave, commandoit les Suédois alliés de la France ; un vieux Parabère, etc. »
  4. Henri de Baudean, comte de Parabère, gouverneur du Poitou ; il mourut le 11 août 1653. (Note de l’édition de 1818.) Voyez la lettre (de Bussy) du 1er septembre suivant. Dans le manuscrit, il y a Parabelle, au lieu de Parabère.
  5. Charles IV, qui mourut cinq semaines après la victoire de son lieutenant à Conz-Saarbruck (le 17 septembre 1675).