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dit-il. — Vous voyez bien, lui dis-je, que cela vient bien droit de M. d’Oppède. Que dites-vous de cette conduite ? — Je la trouve fort ridicule, » me dit-il. Je me trouvai de l’esprit ce jour-là ; car songez que je ne savois rien, et qu’au hasard j’entre tout droit dans ce ton que j’aurois pris, si j’avois été instruite. Mandez-moi ce que c’est que cette sottise-là ; je voudrois qu’elle fût vraie : rien ne vous seroit si bon. M. de la Garde partira dans huit jours ; on retarde toujours. Il dîna hier avec moi ; nous causâmes fort. Je vous le souhaite à Grignan. Il craint pour la santé de Monsieur l’Archevêque, et me donna sa crainte. Il vous portera de l’eau, des souliers, et douze boites de dragées.

Ne croyez pas, ma fille, que la mort de M. de Turenne ait passé ici aussi vite que les autres nouvelles ; on en parle et on le pleure encore tous les jours

Tout en fait souvenir, et rien ne lui ressemble.

On peut dire ce vers pour lui. Heureux ceux, comme vous dites, qui n’ont pas fait la moindre attention sur cette perte ! Celle qui s’est faite depuis[1] a bien renouvelé les éloges du héros. Vous m’avez fait grand plaisir d’avoir frissonné de ce qu’a dit Saint-Hilaire[2] : il n’est pas mort, il vivra avec son bras gauche, il jouira de la beauté et de la fermeté de son âme. Je crois que vous avez été bien étonnée de voir une petite déroute de notre côté[3] ; vous n’en avez jamais vu depuis que vous êtes au monde. Le Coadjuteur en a seul profité, en donnant un air si nouveau et si spirituel à sa harangue, que cet endroit en a

  1. C’est le texte du manuscrit (où seulement depuis est omis) et de la première édition de Perrin. Dans la seconde on lit : « La déroute qui est arrivée depuis. »
  2. Voyez la lettre du 9 août précédent, p. 33 et 34.
  3. Dans le manuscrit : « de votre côté, » pour « de notre côté. »