Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/299

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1677 encore une fois ; mais je ne sais si je recevrai de vos lettres[1]. Il y a dans cette maison une grande liberté : j’y lis, j’y travaille, je m’y promène ; nous causons fort agréablement, le maître du logis et moi ; je ne sais quel pays nous ne battons point ; il me conte mille choses de Provence, de vous, de l’Intendant, de Vardes, que je ne savois pas. Il me paroît fort occupé de son salut ; il se sert des bons maîtres pour se conduire ; il est possédé de l’envie de payer ses dettes, et de n’en pas faire de nouvelles : c’est le premier pas que l’on fait dans ce chemin, quand on sait sa religion. Il ne laisse pas d’être de fort bonne compagnie ; mais cela passera, car la charité du prochain commence déjà à lui couper les paroles par la moitié. Il vous aime et vous estime au-dessus de tout ; il me semble que ce n’est point lui qui a déserté : vous ne voulez donc pas me dire qui c’est[2] ? Croyez-vous que je le dirois, si vous m’aviez priée sérieusement de ne le pas faire ? Eh bien ! ma belle, je ne vous en parlerai plus.

Vous me contez une chose terrible de l’embrasement de cette galère : hélas ! ce pauvre Sainte-Mesme[3] ! il me semble que je le vois. Mais d’où vient que vous ne trouvez pas aussi extraordinaire ce que nous vous mandons du prince d’Orange ? Il assiége Charleroi, il voit notre armée : il en est tellement surpris, qu’il décampe au même instant, et s’en va vers Maestricht. Il fut surpris, comme s’il n’avoit pas ouï parler qu’il y eût une armée en Flandre. On dit qu’il nous a fait grand plaisir, car il étoit si bien posté, que nous aurions eu bien de la peine à trouver notre place : voilà la seconde fois qu’il nous tire

  1. 9. Ce membre de phrase ne se lit que dans notre manuscrit.
  2. 10. Voyez la lettre du 4 août précédent, p. 257 et 258.
  3. 11. Voyez tome III, p. 526, note 14.