1677
648. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.
Ma fille, ne vous fâchez point : je vous écris à six heures du soir, loin des eaux, loin de toute vapeur ; c’est pour me donner de la joie que je veux causer un moment avec vous ; j’ai rompu tout autre commerce. Ne trouvez-vous point que nous sommes trop loin et trop près l’une de l’autre ? Cette distance nous fait mal. Je passe les jours avec MM. de Termes et Flamarens ; je suis leur véritable consolation : je ne sais ce qu’ils ont, ils ne se portent point bien. Ils ont amené un homme de l’Opéra, qui joue du violon mieux que Baptiste[1] : cela nous divertit. Il y a une impertinente petite bossue qui chante sans fin et sans cesse, qui croit être miraculeuse : cela nous fait rire. M. de Champlâtreux est notre grand Druide[2], il fait la meilleure chère du monde. Ah mon Dieu ! que n’a-t-il été possible que vous m’ayez gouvernée ici ? M. et Mme d’Albon, une sœur de Mlle de Lestrange[3], Mme de Sourdis[4], blanche et blonde, mille autres de tous côtés, jamais il ne s’est vu tant de monde, et jamais il n’a fait si beau :
- ↑ Lettre 648. — 1. Lully.
- ↑ 2. L’abbé Bayard a été comparé de même au druide Adamas de l'Astrèe, dans une lettre écrite pendant le premier séjour de Vichy : voyez tome IV, p. 457. Sur le druide Adamas, voyez tome III, p. 142, note 7.
- ↑ 3. Mlle de Lestrange avait deux sœurs : l’aînée était Marie-Louise, mariée en 1669 à François de Grolée, comte de Peyre, lieutenant général de Languedoc ; elle mourut le 8 avril 1718 à l’âge de soixante-dix-neuf ans. La puînée était Anne-Marie, demoiselle de Boulogne, qui mourut sans alliance.
- ↑ 4. Charlotte de Barbesières, fille de Louis de Barbesières, seigneur de Nogeret, et de dame Jeanne de Tousserand. Elle était veuve, depuis 1661, de René d’Escoubleau, seigneur de Sourdis.