Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/375

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1677 serois encore plus aise : je crois qu’il ne tiendra pas à notre ami ; car il n’est point ingrat. Mais quand vous dites sur l’or potable qui l’a guéri, qu’il n’y a rien tel que d’être riche, et qu’un gueux en seroit mort, le siècle présent qui le connoît entendra la contre-vérité ; mais pour la postérité, qui prend tout au pied de la lettre, elle le croira un partisan. Il est vrai que Mme de Toulongeon est incompréhensible par son avidité pour le bien ; il est vrai aussi que j’ai remarqué que Dieu n’attend pas à l’en punir en l’autre monde : elle en souffre souvent dès celui-ci, et c’est sur son sujet que je trouve que l’extrême avarice est l’extrême prodigalité[1]. L’avantage qu’a eu le maréchal de Créquy près de Saverne est peu de chose en effet ; cependant c’est beaucoup pour la réputation. Je ne pense pas que Despréaux et Racine soient capables de bien faire l’histoire du Roi ; mais ce sera sa justice et sa clémence qui le rendront recommandable à la postérité : sans cela on découvriroit toujours que les louanges qu’on lui auroit données ne seroient que des flatteries.

La tourterelle consolée vous embrasse de tout son cœur ; nous vous aimons à qui mieux mieux, et nous nous réjouissons, pour l’amour de vous et de la belle Madelonne, de son prochain retour à Paris.

    impériale. Ce même manuscrit ne donne pas la phrase suivante : « Mais quand vous dites sur l’or potable, etc. »

  1. 5. « …par son avidité pour le bien : c’est elle qui m’a fait trouver que l’extrême avarice étoit l’extrême prodigalité. » (Manuscrit de la Bibliothèque impériale.)