Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/384

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1677 Lyon[1]. Je trouve, ma fille, que je serai fort heureuse de vous donner ma poule bouillie ; la place que vous me demandez à ma table vous est bien parfaitement assurée ; le régime que vos Grignans vous font observer est fait exprès pour mon ordinaire ; je m’entends avec Guisoni pour le retranchement de tous les ragoûts. Venez donc, ma très-aimable ; on ne vous défend pas d’être reçue[2] avec un cœur plein d’une véritable tendresse ; c’est de ce côté que je vous ferai de grands festins.

Je suis fort aise de vous voir disposée comme vous êtes pour Monsieur de Marseille : eh mon Dieu ! que cela est bien, et qu’il y a de noirceur et d’apparence d’aigreur à conserver longtemps ces sortes de haines ! Elles doivent passer avec les affaires qui les causoient, et ne point charger le cœur d’une colère nuisible en ce monde-ci et en l’autre[3] Vous en serez encore plus aimée de Mme  de Vins et de M. de Pompone : cela les tirera d’un grand embarras[4]. Tout ce qui fâche M. de Grignan, c’est que votre médecin ait eu plus de pouvoir que votre confesseur[5] car je compte qu’il est toujours homme de bien ; il viendra, ce pauvre homme, dans une saison fâcheuse. J’ai fait des merveilles pour la pluie depuis deux jours ; si je fais aussi bien pour le beau temps, vous ne serez pas à plaindre ; mais le moyen d’avoir du chagrin avec une si bonne et si aimable compagnie ? J’ai regret qu’ils aient brûlé tout ce qu’ils m’écrivoient ; je pense que c’est grand dommage. Le chevalier est bien plaisant de vou-

  1. 3. Cette phrase ne se trouve pas dans l’impression de 1754.
  2. 4. Dans l’édition de 1734 : « on ne vous défend pas d’être réunie. »
  3. 5. « Et en effet pourquoi se charger le cœur d’une colère nuisible en ce monde et en l’autre ? » (Édition de 1754.)
  4. 6. Cette phrase n’est pas dans le texte de 1754.
  5. 7. Ce qui suit, jusqu’à : « Le chevalier est bien plaisant, » ne se lit que dans l’édition de 1734.