Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 5.djvu/501

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1678 la paix ; car enfin il en faut avoir, et sur cela écoutez notre ami Comines sur le chapitre des traverses de la vie humaine. « Aucune créature n’est exempte de passion ; tous mangent leur pain en peine et douleur : Notre-Seigneur le promit dès qu’il fit l’homme, et loyaument l’a tenu à toutes sortes de gens[1] Il n’y a personne qui ne sache cela aussi bien que M. d’Argenton[2] mais vous m’avouerez qu’on ne sauroit le dire plus plaisamment que lui.

J’ai su le voyage de Mme de Meekelbourg en Allemagne, mais point son passage par l’armée que commande son frère. Je crois qu’elle s’est avisée de vous écrire sur le bien que M. de Luxembourg lui a dit de M. de Sévigné ; voilà la raison[3] la plus naturelle de sa surprenante civilité ; je ne sais si vous en soupçonnez

  1. 2. A l’occasion de la mort du Dauphin, fils de Charles VIII, Comines, parlant des miseres des grans roys et princes qui ont paour de leurs propres enfans, s’exprime ainsi : « Nulle créature n’est exemptée de passion, et tous mangeussent leur pain en peine et en douleur, comme Notre Seigneur leur promit des ce qu’il feit l’homme, et loyaulment l’a tenu a toutes gens ; mais les peines et labeurs sont differentes, et celles du corps sont les moindres et celles de l’entendement les plus grandes. » (Mémoires de Commynes, livre VIII, chapitre xx, édition de Mlle Dupont. Paris, J. Renouard, 1843, tome II, p. 540 et 541.). »
  2. 3. Comines tenait la terre d’Argenton, en Poitou, du sieur de Montsoreau, son beau-père et l’un des ancêtres de cette Mme de Montsoreau dont il a été question au tome II, p. 96, note 9.
  3. 4. Dans le manuscrit de la Bibliothèque impériale : « voilà la cause la plus naturelle qui me paroisse de sa surprenante civilité ; » vers la fin du paragraphe suivant : « la dépense de trente millions ; » à la suite de ce paragraphe, on lit de plus tout ce passage : « Je viens de recevoir une lettre du P. Bouhours ; voici ce qu’il me dit sur la Princesse de Clèves : « J’ai vu votre sentiment sur la Princesse de Clèves ; il me paroît très-juste ; mais avez-vous vu la critique dont tout le monde m’a accusé, et dont je suis innocent comme vous ? Il faudroit que je fusse bien hardi pour critiquer ce qui vient de ce côté-là et il