Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/136

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1680 d’ajustements et de ballots pour trois mois : il semble que vous preniez plaisir à gâter le voyage du monde le plus agréable et le plus utile pour votre maison. Si vous me demandez de quoi je me mêle, de vous gronder ainsi, je vous répondrai que je me mêle de mes affaires, et que prenant à votre personne et à vos intérêts une part aussi intime que celle que j’y prends, je trouve que tous ces arrangements et dérangements ruineux sont les miens. Voudriez-vous, ma chère enfant, achever de vous abîmer à Aix, ou vous dessécher cet hiver à la bise de Grignan ? Je suis en vérité fort occupée de toutes ces choses ; mais quelque envie que j’aie de vous embrasser, je vous conseillerois de ne point venir, si vous n’étiez ici qu’un moment : je ne crois pas que le bon sens puisse décider d’une autre manière.

Nous verrons si la santé de mon fils ne changera rien à ses dispositions ; j’en doute, du moins pour sa charge, car elles sont dans son cœur depuis longtemps. Tous les événements d’ici-bas sont des jeux de la Providence ; je la regarde faire, et je médite sans cesse sur notre dépendance et sur la variété de nos opinions ; mais les sentiments du cœur sont plus profonds, et j’en juge ainsi par les miens : la tendresse que j’ai pour vous, ma chère bonne, me semble mêlée avec mon sang, et confondue dans la moelle de mes os ; elle est devenue moi-même, je le sens comme je le dis[1]

  1. 7. Ici le commerce de lettres est interrompu jusqu’au 13 de septembre 1684, qui fut le lendemain du jour que Mme  de Sévigné se sépara de Mme  de Grignan pour s’en aller aux Rochers, où l’état de ses affaires l’obligeoit de se rendre pour quelque temps. (Note de Perrin, 1754.) — Dans la première édition du chevalier (1737), la correspondance de Mme  de Sévigné avec Mme  de Grignan ne recommence qu’au 8 octobre 1688..