Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/241

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1683 premièrement elle ne veut plus d’aumônier, et pour une Mme  de Jalez, vous n’en verrez de votre vie. L’éloignement de cette favorite a surpris tout le monde ; on laisse entendre qu’elle étoit jalouse, difficile, curieuse, épilogueuse, faisant des plaintes amoureuses, et des reproches, dont les cœurs secs sont embarrassés ; enfin si cette femme s’est amusée à aimer tendrement cette duchesse, et à vouloir en être aimée de même, je ne m’étonne point de leur mauvais ménage ; il y a des gens qu’il faut aimer à leur mode, et superficiellement ; quand on veut compter plus juste avec eux, on tombe dans l’aversion, dans l’embarras, et enfin dans la disgrâce. Je vous prie que tout ceci ne passe point vous et Mme  de Guitaut.

Mme  de Caumartin aime fort notre M. Trouvé ; c’est un bonheur qu’il tient de vous avec plusieurs autres. Mandez-moi si vous n’entrevoyez point le temps où il pourroit retourner dans votre chapitre, au lieu d’être ici méconnu et profané par le peu de justice qu’on a rendu jusques ici à son mérite.

Je reviens à cette duchesse : un grand et beau carrosse de velours noir avec la housse, étoffé des mieux, une calèche de velours aurore et noir, et point de carreau à l’église, cela paroît tellement désassorti, que nous en demandons justice à Port-Royal ; car un carreau modeste eût paru moins affecté, avec tant de magnificence, que cette singularité, qu’il faut expliquer à tout le monde. Pour nous, mon cher Monsieur, nous sommes arrêtés par M. d’Aiguebonne, qui a évoqué du parlement de Grenoble, et veut un règlement de juges au conseil ; c’est le mois qui vient que l’on leur donnera un autre parlement. Cette affaire nous arrête tout court, et recule une séparation qui commençoit déjà à se faire sentir ; je vous manderai la suite de notre destinée.