Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/297

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demande un compliment à M. de Cœuvres et à Mme de Mouci[1], sur son action héroïque, qui met en peine pour sa santé. Vous devriez écrire joliment à M. de Lamoignon, de votre part et de la mienne, sur la douleur qu’il a eue de voir mourir son ami entre ses bras[2]


937. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, dimanche 1er octobre.

Quoique ma lettre soit datée du dimanche, je l’écris aujourd’hui, samedi au soir ; il n’est que dix heures, tout est retiré ; c’est une heure où je suis à vous d’une manière plus particulière qu’au milieu de ce qui est ordinairement dans ma chambre : ce n’est pas que je sois contrainte, je sais me débarrasser ; je me promène seule, et quoi que vous disiez, ma très-chère, je serois bien oppressée si je n’avois pas cette liberté. J’ai besoin de penser à vous avec attention, comme j’avois besoin de vous voir ; et si mes épées pouvoient un peu s’émousser et ne me pas percer, comme je vous le mandois d’Étampes[3], ce temps qui vous est destiné seroit nécessaire à ma santé, comme il l’est présentement au soulagement de mon cœur. Je vous disois une vérité amère, c’est que vous me quittâtes dans un état où toutes mes pensées étoient autant de pointes aiguës : je ne savois comment faire pour m’en garantir ; car on est extrêmement exposée aux coups, quand on se fait des blessures de toutes ses pensées. Mais

  1. 7. Voyez tome VI, p. 25, note 3.
  2. 8. Dangeau annonce, à la date du 10 septembre 1684, que le chevalier d’Humières est mort à Bâville chez Lamoignon.
  3. Lettre 937. — 1. Voyez ci-dessus, p. 275.