Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/364

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vous sont inutiles, je vous dirai toujours la vérité : j’aime trop à n’être point trompée sur votre sujet, pour en vouloir user autrement avec vous. Je suis présentement dans ma chambre ; le soleil brille autour de moi, et je ne voudrois pas jurer que je ne fisse un tour de mail. Redressez donc votre imagination, ma chère Comtesse, et tirez les rideaux qui vous empêchent de me voir ; laissez là cette pauvre femme pleurante, et le pieux Enée à ses pieds ; tout cela est faux, je vous assure. Mais conservons nos jambes tant que nous pourrons ; elles sont difficiles à apaiser, quand une fois elles sont fâchées. Je voulus l’autre jour me purger avec ces bouillons du frère Ange ; je m’en étois bien trouvée ; cela ne fit que m’émouvoir ; je me suis demandé pardon et je me laisse rapaiser, résolue de ne jamais attaquer une parfaite santé : les légères médecines sont cruelles. Je finis, et je vous laisse au milieu du beau tourbillon où je vous crois ; je suis assurée que vous ne m’y oubliez non plus que dans votre chambre ; et de qui pourroit-on dire la même chose ? Mais aussi peut-on mieux sentir que je fais tous les charmes de votre amitié ?


953. — DE MADAME DE SÉVIGNÉ À MADAME DE GRIGNAN[1]

Aux Rochers, mercredi 14e février.

Je[2] n’ai point reçu de vos lettres cet ordinaire, ma chère bonne, et quoique je sache que vous êtes à Ver-

  1. Lettre 953 (revue sur l’autographe). — 1. Cette lettre avait déjà été revue sur l’autographe pour l’édition de 1818 ; la collation nouvelle que nous avons faite a fourni un certain nombre de rectifications.
  2. 2. Tout ce premier alinéa est ainsi abrégé et dénaturé dans l’édi-