Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 7.djvu/461

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1685 mois, ni même des semaines[1] mais hélas ! ma très-aimable bonne, vous dites bien vrai : pouvons-nous craindre un plus grand et un plus cruel rabat-joie, que la douleur sensible de songer à se séparer presque aussitôt qu’on a commencé à sentir la joie de se revoir[2] ? Cette pensée est violente, je ne l’ai que trop souvent[3], et les jours et les nuits ; et même l’autre jour, en vous écrivant, elle étoit présente à mes yeux, et je disois : « Hélas ! cette peine n’est-elle pas assez grande[4] pour nous mettre à couvert des autres ? » Mais je ne voulus pas toucher à cet endroit si douloureux, et présentement je la cherche encore, ma chère bonne, afin d’être en état[5] d’aller à Bâville, et de vous y trouver. Je ne serai point honteuse de mon équipage : mes enfants en ont de fort beaux, j’en ai eu comme eux ; les temps changent ; je n’ai plus que deux chevaux, et quatre du messager du Mans : je ne serai point embarrassée d’arriver en cet état. Vous trouverez ma jambe d’une perfection à vous faire aimer Charlotte[6] toute votre vie ; elle vous a vue ici plus belle que le jour ; et cette idée lui donne une extrême envie de vous renvoyer cette jambe digne de votre approbation et admiration[7], quand vous saurez d’où elle l’a tirée. Tout cela est passé, et même le temps du séjour du petit Coulanges : il partit lundi matin avec mon fils ; j’allai les

  1. 3. « Pas même des semaines, » (Édition de 1754.)
  2. 4. «  Pouvons-nous craindre un plus cruel rabat-joie… qu’on a commencé à goûter le plaisir de se revoir ? » (Ibidem.)
  3. 5. « Et je ne l’ai que trop souvent. » (Ibidem.)
  4. 6. « Et je disois : « Cette peine n’est-elle donc pas assez grande, etc. » (Ibidem.)
  5. 7. « Mais je ne voulus jamais toucher à cet endroit douloureux, et maintenant j’en détourne encore la vue, afin d’être en état, etc. » (Ibidem.)
  6. 8. Voyez la lettre du 22 juillet précédent, p. 435 et 439.
  7. 9. « Cette jambe digne de votre admiration. » (Édition de 1754.)