Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 8.djvu/61

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voyez bien qu’il faut que cette fusée soit démêlée avant le départ de l’ambassadeur. J’embrasse ma chère nièce, et je comprends le plaisir qu’elle peut trouver à changer d’air, pourvu que ce soit pour un peu de temps(7); elle en trouvera votre conversation plus agréable. On s’accoutume quelquefois trop aux meilleures choses, et on en sent mieux le prix en s’en éloignant un peu : je dis un peu, car il lui seroit trop cruel de n’être pas avec vous quand elle y peut être. Demandez à notre ami Corbinelli si je dis vrai. Au reste(8), ce que vous m’avez envoyé de vous par votre dernière lettre me plaît fort. Mon Dieu ! mon cousin, que vous avez d’esprit ! et quel dommage que vous n’ayez été heureux ! Car la prospérité, qui fait toujours briller, nous auroit donné le plaisir de voir ce que vous eussiez fait avec elle. Il est vrai aussi que vous n’auriez pas eu le loisir de vous amuser comme vous faites. Vous auriez fait de plus grandes choses, qui auroient élevé votre maison ; mais vous n’auriez pas eu lieu de réjouir si fort vos amis. C’est là qu’on peut dire qu’à quelque chose malheur est bon. Pour moi, je vous admire.

                    DE CORBINELLI.

JE suis d’accord de tout ce que dit Mme de Sévigné, Monsieur ; le parallèle de Monsieur le Prince et de M. de Turenne (9) n’est pas de votre goût, à ce que j’ai vu dans

7. Tel est le texte du manuscrit et de l’édition de 1697. Depuis, les éditeurs ont supprimé un devant peu 8.Il est douteux que ce paragraphe fit partie de la lettre originale ; il pourrait bien être l’ouvrage de Bussy : voyez ci-dessus, p. 52, note 3. 9. Cette partie du parallèle parait être en effet à l’avantage de Turenne : « L’un, emporté d’un coup soudain, meurt pour son pays, comme un Judas le Machabée… L’autre, élevé par les armes au