Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 8.djvu/63

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vit de ses revenus quand on les consomme soi-même ; et transportés, ils ne reviennent presque à rien. Pour ce que vous me mandez, que quand on est engagé à la cour, il est comme impossible de transporter ses revenus, je vous dirai que j’en demeure d’accord. Mais voulez-vous que je vous donne un remède à cela ? Faites-vous exiler, Madame : la chose n’est pas si difficile qu’on pense ; et vous userez vos denrées à Bourbilly. Je crois comme vous (1) que Toulongeon soupiroit de la longue vie de sa mère. Sa femme (2)est jolie par son minois et par son esprit. J’aurois soupiré tout de bon pour elle si j’avois été plus jeune de vingt ans que je ne suis, et je ne saurois même m’empêcher d’en faire les façons. Mais pour revenir à la dureté de sa belle-mère, elle n’étoit pas imaginable. Elle s’amollissoit pourtant à mesure qu’elle tiroit à sa fin, c’est-à-dire qu’elle leur donnoit de temps en temps quelques denrées mais plutôt mourir que de leur donner sa vaisselle d’argent, car effectivement elle est morte sans le faire.

Ce que vous avez fait pour vos enfants, Madame, est de fort bon sens et fort humain, et même selon Dieu. En les établissant, vous vous êtes insensiblement dépouillée des biens de la terre, que vous aurez moins de peine à quitter quand il le faudra. Je suis comme vous, Madame, et je suis prêt d’achever de me dépouiller quand l’occasion s’en présentera. Pourvu que j’aie le vivre et le vêtement, je suis assez paré de ma réputation et la fortune,

Lettre 1023. 1. Ces mots « comme vous, » et un peu plus loin « de la longue vie ", ont été biffés avec un soin tout particulier ; ces derniers ont été remplacés dans l’interligne, d’une autre main que celle de Bussy, par : « au moins de la dureté. » A la huitième ligne du paragraphe suivant, au lieu de ces mots « assez paré de ma réputation, » une autre main a mis « content. 2. Voyez tome III, p. 153, note 5.