Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/121

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follow=p114[1] paix, si je ne la regardois souvent : elle est la consolation des tristes états de la vie, elle abrége toutes les plaintes, elle calme toutes les douleurs, elle fixe toutes les pensées; c’est-à-dire elle devroït faire tout cela ; mais il s’en faut bien que nous ne soyons assez sages pour nous servir si salutairement de cette vue : nous ne sommes encore que trop agités et trop sensibles. Ce que je croîs, c’est que ceux qui ne la regardent jamais sont encore bien plus malheureux que ceux qui tâchent de s’en faire une habitude. Cette chère Providence va donc juger notre requête civile comme il lui plaira : ce qu’elle a voulu sur l’arrêt me répond quasi de la suite. Ma fille, j’y prends un intérêt aussi vif que la tendresse que j’ai pour vous est vive : c’est la même étoffe et c’est cela sur quoi la résignation n’a pas assez de prise : tout le reste ne va pas trop mal ; mais, mon Dieu, que cet endroit est sensible !

Quand je regarde en gros la longue absence où il me paroit que nous sommes condamnées, j’avoue que j’en frémis ; mais en détail, et jour à jour, il faudra la souffrir pour le bien de nos affaires ; car mon voyage seroit quasi inutile pour le sujet qui me l’a fait faire, si je ne passois l’hiver en ce pays : je suis très-persuadée que Mme de Chaulnes l’y passera aussi, et je suivrai sa destinée. Pour vous, ma fille, vous comptez que vous pourrez vivre six mois hors de Grignan, et six mois cachée à Grignan : pouvez-vous appeler le séjour que vous y faites, avec toute la splendeur qui en est inséparable, être ca-


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  1. l'âme, il faut s’accoutumer à l’honorer dans les plus petites rconstances de notre vie, parce qu’elle les règle toutes aussi bien que les plus grandes…. Un homme bien pénétré de cette pensée ne se plaindra point d’un rendez-vous qui manque, ni d’une visite importune…., ni d’une petite perte, ni des saisons, ni d’un mauvais temps, ni généralement de toutes les rencontres ordinaires de la vie qui portent les hommes à l’impatience. » (De la soumission à la volonté de Dieu, aè partie, commencement du chapitre v.)