Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/426

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seroit-il possible que vous ne trouvassiez point de marchands pour cette compagnie ? ce seroit un grand embarras pour vous, pour Monsieur le chevalier, et une grande marque de l’extrême misère. M. de Pompone m’écrivit, comme un bon ami, au commencement de cette année ; il me mandoit qu’il ne doutoit quasi point que je ne passasse ici l’hiver, les raisons pour y demeurer n’ayant jamais été plus fortes. Cependant il y a des bornes à tout, et j’en voudrois bien voir au soin que vous êtes obligée de prendre de vos coqs d’Inde c’est grand dommage d’être si bons pour être ailleurs, et d’être obligés d’être là : avouons donc que ce temps-ci est fâcheux. J’ai bien envie que vous ayez votre enfant ; vous l’avez laissé languir trop longtemps dans ce diantre de lieu si difficile à écrire[1]2 ; qu’il vienne droit à vous ; il s’en retournera avec Monsieur le chevalier. Quand je voyois ce dernier disposer de lui cet hiver comme un autre homme, prendre des temps et des mesures pour partir, j’admirois qu’il eût oublié ce que c’est pour lui que l’hiver, et je me doutois qu’il ne seroit pas longtemps sans s’apercevoir qu’il avoit compté sans consulter la goutté. Il me fait une pitié que je me garderai bien de lui dire. Je comprends que les devoirs d’une maîtresse de maison vous détournent quelquefois de la qualité de sa garde ; mais il faut remplir ses devoirs de tous côtés : c’est ce que vous faites fort bien. Je vous trouve fort heureuse d’avoir M. de la Garde ; vous lui contez bien des choses que vous ne sauriez dire qu’à lui : c’est une grande douceur. Je le conjure de croire que les seules erreurs où vous m’aviez laissée, m’ont fait murmurer injustement[2] c’est un mé-

  1. 2. Kaiserslautern. Voyez ci-dessus, p. 349 et note 34, la lettre du 11 décembre 1689.
  2. 3. Voyez ci-dessus, p. 144 et suivantes, la lettre du 20 juillet 1689.