Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/507

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1274. DE MADAME DE SÉVIGMÉ

A MADAME DE GRIGNAN.

Aux Rochers, ce 26è avril.

Enfin, voilà cette pauvre Dauphine morte[1] bien tristement, bien salement[2]. La Troche m’en mande mille détails qu’on aime à savoir ; comme elle veut répondre à votre lettre, peut-être vous en dira-t-elle quelques-uns[3] . Le Roi et Monsieur la virent mourir ; elle demanda mille pardons au Roi de son peu de complaisance, elle voulut baiser sa main, il l’embrassa ; les sanglots l’avoient empêchée de parler à Monsieur le Dauphin[4] qui ne fut pas

  1. LETTRE 1274 (revue sur une ancienne copie). -- 1. On lit dans la Gazette du 22 avril « Madame la Dauphine, se trouvant dans un état très-périlleux, reçut l’extréme-onction qui lui fut administrée la nuit du 19 au 2o de ce mois par l'évèque de Meaux (Bossuet), son premier aumônier. Ensuite le même prélat célébra la messe dans sa chambre, et lui donna la communion qu’elle reçut avec des sentiments d’une piété exemplaire. Elle mourut le 20, sur les sept heures du soir, ayant témoigné jusqu’à l’extrémité une parfaite soumission à la volonté de Dieu. »
  2. 2. Tel est le texte de notre ancienne copie et des éditions de 1726, qui sont, avec cette copie, nos seules sources pour ce fragment de lettre. C’est aussi celui de l’édition de 1818. Dans la réimpression de 1820 on a remplacé salement par saintement, sans même avertir que c’était là une simple conjecture, qui paraîtrait en effet s’accorder fort bien avec l’extrait de la Gazette, contenu dans la note 1, et avec les dernières pages de l’Oraison funèbre, de Fléchier. Voyez ci-après la note 11. Toutefois les détails que donne Dangeau au 15 et au 16 avril ne permettent guère de douter que la plus ancienne leçon ne soit la vraie ; ce que nous savons de la nature de la maladie de la Dauphine pourrait déjà suffire du reste à la justifier : « On lui a trouvé, dit le Mercure d’avril 1690 (p. 329), les poumons ulcérés, le bas-ventre gangrené, et plusieurs abcès dans le mésentère. »
  3. 3. « Vous en dira-t-elle quelque chose. » (Édition de là Haye, 1726.)
  4. 4- Fléchier, dans son Oraison funèbre nous montre la Dauphine adressant la parole au Roi et un geste seulement au Dauphin : « Avec quelle candeur elle ouvrit son cœur au Roi, humiliée devant lui. Avec quelle douceur elle leva vers Monseigneur ses yeux mourants et ses mains tremblantes ! » -- Un peu plus loin il semble faire allusion à ce