Page:Sévigné - Lettres, éd. Monmerqué, 1862, tome 9.djvu/614

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à. vous et vous embrasse. Tout ce qui est ici vous dit : ora pronobis [1]. Ma mère vous écrit.

De MADAME DE SÉVIGNÉ.

IL n’y a pas de quoi glaner après ma fille : elle a en vérité tout dit et mieux que je n’eusse pu faire. Je ne vous dis plus que nous sommes ensemble, et que nous vous recevrons ensemble ; que je suis ravie d’avoir fait ce voyage, et que vous l’ayez approuvé, comme les bonnes têtes ; que la manière dont on m’a reçue, et dont je suis aimée, mériteroit que je fusse venue encore de plus loin. Je vous ai mandé toutes ces choses-là il n’y a pas dix jours; j’écrivis aussi à notre gouverneur ; je lui soutins qu’il étoit cause de ce voyage en quittant notre Bretagne, et en me donnant l’envie de venir au-devant de lui, et d’avoir cet avantage sur Mme de Chaulnes, en sorte que je n’avois pu y résister. Je vous disois aussi combien je hais ce Temple égaré, séparé, mal placé ; la Déesse aura beau chanter

Venez tous dans mon temple[2],

je n’irai pas souvent, quoique je le desire toujours. Enfin mon intérêt sur cet éloignement de quartier me rend si injuste, que j’en hais la belle vue, et cette campagne toujours étalée, qui conte tous les secrets et tous les charmes du printemps, comme toutes les horreurs de l’hiver ; en mille ans vous ne me feriez pas aimer cette fausse campagne, et j’aimerois quasi autant me retirer,

  1. 9. « Priez pour nous. » -- Allusion à ce que M. de Coulanges appeloit ses litanies ; c’était l’énumération qu’il faisoit dans ses lettres de toutes les personnes qui étoient à Grignan. (Note de l’édition de 1751.)
  2. 10; C’est le commencement de la scène VIII du 1er acte de l’opéra d'Atys. Ces paroles sont mises dans la bouche de Cybèle.