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1181. DE MADAME DE SÊVIGNE
A MADAME DE GRIGNAN.
Aux Rochers, ce mercredi 1er juin.
PAULINE est trop heureuse, ma chère enfant, d’être votre secrétaire : elle apprend[1]à penser, à tourner ses pensées, en voyant comme vous lui faites tourner les vôtres ; ; elle apprend la langue françoise, que la plupart des femmes ne savent pas ; vous prenez la peine de lui expliquer des mots qu’elle n’entendroit jamais ; et en l’instruisant de tant de choses vous faites si bien, qu’elle soulage votre tête et la mienne ; car mon esprit est en repos quand vous y êtes : l’ennui de dicter n’est point comparable à la contrainte d’écrire2. [2] Continuez donc une si bonne instruction pour votre fille, et un si grand soulagement pour nous[3].
Vous me parlez de ma santé, elle est dans la perfection, et vous en faites[4] tout ce qu’on en peut faire, qui est de craindre qu’elle ne puisse devenir mauvaise. J’y pense quelquefois, et ne me trouvant plus aucune[5]des petites incommodités que vous connoissez, je dis avec étonnement, il faut pourtant s’attendre qu’un état si heureux doit changer ; et sur cela je comprends qu’il faudra se résoudre, comme en toutes choses, à ce que Dieu voudra ; qu’en me donnant des maux, il me don-
- ↑ LETTRE 1181. 1. L’édition de 1784 ajoute « comme je vous ai dit. »
- ↑ « … »votre tête et la mienne : l’ennui de dicter n’est point comparable à la contrainte d’écrire ; et mon esprit n’est en repos que lorsque je sais que vous y êtes. » (Édition de 1754.)
- ↑ 3. « Pour vous et pour moi » (Ibidem.)
- ↑ 4. « Quand vous êtes persuadée de la perfection de ma santé vous en faites, etc. » (Ibidem.)
- ↑ 5. « Et ne me trouvant aucune… » (Ibidem.)