Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/266

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ils sont simples et sincères ; j’en ferai un sacrifiée pour mon salut. Voilà qui est fini, je ne vous en parlerai plus, et je méditerai sans cesse sur la force invincible de vos raisons, et sur votre admirable sagesse dont je vous loue, et que je tâcherai d’imiter.

J’ai fait 3 mon ami (Corbinellï) toutes vos animositês ; cela est plaisant, il les a très-.bien reçues : je crois qu’il est venu ici pour réveiller un peu la tendresse de ses vieux amis. Nous avons trouvé la pièce des cinq auteurs extrêmement jolie, et très-bien appliquée ; le chevalier de Buous l’a possédée deux jours : vos deux vers sont très bien corrigés. Voilà mon fils qui arrive ; je m’en vais fermer cette lettre, et je vous en écrirai demain une autre avec lui, toute pleine des nouvelles que j’aurai reçues de Saint-Germain. On dit que la maréchale de Gramont n’a voulu voir ni Louvigny ni sa femme ; ils sont revenus de dix lieues d’ici ; nous ne songeons plus qu’il y ait eu un comte de Guiche au monde : vous vous moquez avec vos longues douleurs ; nous n’aurions jamais fait ici, si nous voulions appuyer autant sur chaque nouvelle. Il faut expédier ; expédiez, à notre exemple.


120. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

À Paris, lundi I er jour de l’an 1674.

Je vous souhaite une heureuse année, ma chère fille ; et dans ce souhait je comprends tant de choses, que je n’aurais jamais fait, si je voulais vous en faire le détail. Je n’ai point encore demandé votre congé, comme vous le craignez ; mais je voudrais que vous eussiez entendu la Garde, après dîner, sur la nécessité de votre voyage ici, pour ne pas perdre vos cinq mille francs, et sur ce qu’il faut que M. de Grignan dise au roi. Si c’était un procès qu’il fallût solliciter contre quelqu’un qui voulût vous faire cette injustice, vous viendriez assurément le solliciter ; mais comme c’est pour venir en un lieu où vous avez encore mille autres affaires, vous êtes paresseux tous deux. Ah ! la belle chose que la paresse ! En voilà trop ; lisez la Garde, chapitre premier. Cependant vous aurez du plaisir de voir et de recevoir l’approbation du roi. À propos, on a révoqué tous les édits qui nous étranglaient dans notre province : le jour que M. de Chaulnes l’annonça, ce fut un cri de vive le roi ! qui fit pleurer tous les états ; chacun s’embrassait, on était hors de soi : on ordonna un Te Deum, des feux de joie, et des remerciments publies à M. de Chaulnes. Mais savez-vous ce que nous