Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/351

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prison, elle se défend assez bien ; elle demanda hier à jouer au piquet, parce qu’elle s’ennuyait. On a trouvé sa confession ; elle nous apprend qu’à sept ans elle avait cessé d’être fille ; qu’elle avait continué sur le même ton ; qu’elle avait empoisonné son père, ses frères, un de ses enfants, et elle-même ; mais ce n’était que pour essayer d’un contre-poison : Médée n’en avait pas tant fait. Elle a reconnu que cette confession est de son écriture ; c’est une grande sottise ; mais qu’elle avait la fièvre chaude quand elle l’avait écrite ; que c’était une frénésie, une extravagance, qui ne pouvait pas être lue sérieusement.

La reine a été deux fois aux Carmélites avec Quanto ; cette dernière se mit à la tête de faire une loterie, elle se fit apporter tout ce qui peut convenir à des religieuses ; cela fit un grand jeu dans la communauté. Elle causa fort avec sœur Louise de la Miséricorde {madame de la Faîtière) ; elle lui demanda si tout de bon elle était aussi aise qu’on le disait. Non, répondît-elle, je ne suis point aise, mais je suis contente. Quanto lui parla fort du frère de Monsieur, et si elle voulait lui mander quelque chose, et ce qu’elle dirait pour elle. L’autre, d’un ton et d’un air tout aimable, et peut-être piquée de ce style : Tout ce que vous voudrez, madame, tout ce que vous voudrez. Mettez dans cela toute la grâce, tout l’esprit et toute la modestie que vous pourrez imaginer. Quanto voulut ensuite manger ; elle donna une pièce de quatre pistoles pour acheter ce qu’il fallait pour une sauce qu’elle fit elle-même, et qu’elle mangea avec un appétit admirable : je vous dis le fait sans aucune paraphrase. Quand je pense à une certaine lettre que vous m’écrivîtes l’été passé sur M. de Vivonne, je prends pour une satire tout ce que je vous envoie. Voyez un peu où peut aller la folie d’un homme qui se croirait digne de ces hyperboliques louanges.

    trouva chez lui une caisse remplie de poisons et de recettes, avec une déclaration écrite de sa main, portant que le tout appartenait à la marquise de Brinvilliers. Elle s’était sauvée en pays étrangers, où elle fut arrêtée. Elle fut condamnée « faire amende honorable devant la principale porte de l’église de Paris, nu-pieds, la corde au cou, et à avoir ensuite la tête tranchée, son corps brûlé, et ses cendres jetées au vent.