Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/367

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admirable ; les eaux et la douche m’ont extrêmement purgée ; et au lieu de m’affaiblir, elles m’ont fortifiée. Je marche tout comme une autre ; je crains de rengraisser, voilà mon inquiétude ; car j’aime à être comme je suis. Mes mains ne se ferment pas, voilà tout ; le chaud fera mon affaire. On veut m’envoyer au Mont-d’Or, je ne veux pas. Je mange présentement de tout, c’est-à-dire, je le pourrai, quand je ne prendrai plus les eaux. Je me suis mieux trouvée de Vichy que personne, et bien des gens pourraient dire :

Ce bain si chaud, tant de fois éprouvé, M’a laissé comme il m’a trouvé.

Pour moi, je mentirais ; fcar il s’en faut si peu que je ne fasse de mes mains comme les autres, qu’en vérité ce n’est pas la peine de se plaindre. Passez doue votre été gaiement, ma très-chère ; je voudrais bien, vous envoyer pour la noce deux filles et deux garçons qui sont ici, avec le tambour de basque, pour vous faire voir cette bourrée. Enfin les Bohémiens sont fades en comparaison. Je suis sensible à la parfaite bonne grâce : vous souvient-il quand vous me faisiez rougir les yeux, à force de bien danser ? Je vous assure que cette bourrée dansée, sautée, coulée naturellement, et dans une justesse surprenante, vous divertirait. Je m’en vais penser à ma lettre pour M. de ta Garde. Je pars demain d’ici ; j’irai me purger et me reposer un peu chez Bayard, et puis à Moulins, et puis m’éloigner toujours de ce que j’aime passionnément, jusqu’à ce que vous fassiez les pas nécessaires pour redonner la joie et la santé à mon cœur et à mon corps, qui prennent beaucoup de part, comme vous savez, à ce qui touche l’un ou l’autre. Parlez-moi de vos balcons, de votre terrasse, des meubles de ma chambre, et enfin toujours de vous ; ce vous m’est plus cher que mon moi, et cela revient toujours à la même chose.


169. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

À Langlar, chez M. l’abbé Bayard,

lundi 15 juin 167fi.

J’arrivai ici samedi, comme je vous l’avais mandé. Je me purgeai hier pour m’acquitter du cérémonial de Vichy, comme vous vous acquittiez l’autre jour des compliments de province à vos dames de carton. Je me porte fort bien, le chaud achèvera mes mains ; je jouis avec plaisir et modération de la bride qu’on m’a mise sur le cou ; je me promène un peu tard ; je re-