Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/412

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Pour mes mains, elles sont mieux ; et cette incommodité est si petite, que le temps est le seul remède que je veuille souffrir. Je suis au désespoir, ma fille, de la tristesse de vos songes : hé ! mon Dieu, faut-il que dans l’état où je suis je vous fasse du mal ? C’est bien, je vous assure, contre mon intention. Je ne sais si vous avez celle de m’écrire des endroits admirables, vous y réussiriez ; mais aussi ils ne tombent pas à terre : vous ne sentez pas l’agrément de ce que vous dites, et c’est tant mieux. Vous avez un peu d’envie de vous moquer de votre petite servante, et du corps de jupe, et du toupet : mais vous m’aimeriez si vous saviez le bon air que j’avais à la fontaine. Je crois que la Carnavalette nous sera meilleure que l’autre maison qu’on nous avait indiquée, mais qui est fort petite, et où pas un de vos gens ne pourrait loger. Nous verrons ce que fera le grand d’Hacqueville ; je meurs de peur que madame de Lillebonne ne veuille pas déloger. Je suis toujours fort en peine de Corbinelli ; il a été rudement traité de la fièvre tierce, le délire, et tout ce qui peut effrayer : il a pris de l’or potable, nous en attendons l’effet. Parlez-moi toujours de vous et de votre santé : ne faites-vous rien du tout pour vous remettre de vos deux saignées ? Quelle maladie, bon Dieu ! et quelle frayeur cela ne doit-il point donner à ceux qui vous aiment ! Voilà le chevalier auprès de moi, et la compagnie ordinaire, avec un homme qui assurément joue mieux du violon que Baptiste. Nous voudrions vous envoyer, et à M. de Grignan, une chaconne et un écho dont il nous charme, et dont vous serez charmée : vous l’entendrez cet hiver.


195. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

À Gien, vendredi Ier octobre 1677.

J’ai pris votre lettre, ma très-chère, en passant par Briare ; mon ami Roujoux[1] est un homme admirable ; j’espère que j’en pourrai recevoir encore une avant que de partir d’Autri, où nous allons demain dîner. Nous avons fait cette après-dînée un tour que vous auriez bien aimé : nous devions quitter notre bonne compagnie dès midi, et prendre chacun notre parti, les uns vers Paris, les autres à Autri. Cette bonne compagnie n’ayant pas été préparée assez tôt à cette triste séparation, n’a pas eu la force de la supporter, et a voulu nous suivre à Autri : nous avons représenté les

  1. Le maître de la poste de Lyon.