Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/427

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mable aussi : je vous peignis au naturel, et Lien. Il y a très-peu de personnes qui puissent se vanter d’avoir autant de vrai mérite que vous.

Notre pauvre ami est abîmé dans son procès. Il le veut traiter dans les règles de la raison et du bon sens ; et quand il voit qu’à tous moments la chicane s’en éloigne, il est au désespoir. Il voudrait que sa rhétorique persuadât toujours, comme elle le devrait en bonne justice ; mais elle est inutile contre la routine et le désordre qui règnent dans le palais. Ce n’est point façon d’amour que le zèle qu’il a pour sa cousine, c’est pure générosité : mais c’est façon de mort que la fatigue qu’il se donne pour cette malheureuse affaire. J’en suis affligée ; car je le perds, et je crains de le perdre encore davantage.

Ma fille ne s’en ira qu’au mois de septembre. Elle se porte mieux ; elle vous fait mille amitiés, à vous, madame, et à vous, monsieur. Si vous la connaissiez davantage, vous l’aimeriez encore mieux.


205. — DE Mme DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE BUSSY.

À Paris, ce 20 juillet 1679.

J’ai vu et entretenu M. l’évêque d’Autun, et je comprends bien aisément l’attachement de ses amis pour lui. Il m’a conté qu’il passa une fois à Langeron, et qu’il ne voulait pas s’y débotter seulement. Il y fut six semaines. Cet endroit est tout propre à persuader l’agrément, la douceur et la facilité de son esprit. Je crois que j’en serais encore plus persuadée, si je le connaissais davantage. Nous avons fort parlé de vous sur ce ton-là. Je parlai au prélat de la lettre que vous avez écrite au roi ; il me dit qu’il l’avait vue, et qu’il l’avait trouvée belle. Je vous trouve fort heureux de l’avoir. Ce bonheur est réciproque, et vous êtes l’un à l’autre une très-bonne compagnie. Il vous dira les nouvelles et les préparatifs du mariage du roi d’Espagne, et du choix du prince et de la princesse d’Harcourt pour la conduite de la reine d’Espagne[1] à son époux, et de la belle charge que le roi a donnée à M. de Marsillac, sans pré

  1. Mademoiselle, fille de Monsieur, frère de Louis XIV, fut mariée à Charles II, roi d’Espagne. C’était une des conditions de la paix, à laquelle la jeune princesse n’avait rien moins qu’accédé. Elle eut voulu épouser le Dauphin. Le roi lui dit : Je vous fais reine d’Espagne ; que pourrais-je de plus pour ma fille ? Ah ! répondit-elle, vous pourriez plus pour votre nièce. Elle mourut dix ans après.