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trop d’honneur de croire qu’il y ait de grandes affaires dans les astres quand on doit mourir. Tout mon silence ne m’a pas fait oublier les charmes de vos traductions[1]. Adieu, mon cher cousin ; adieu, ma chère nièce. Mandez-moi de vos nouvelles. Cependant nous allons reprendre, notre ami Corbinelli et moi, le fil de notre discours.


241. — DE Mme DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE BUSSY.

À Paris, ce 3 avril 168I.

Faisons la paix, mon pauvre cousin. J’ai tort, je ne sais jamais faire autre chose que de l’avouer. On dit que ma nièce ne se porte pas trop bien. C’est qu’on ne peut pas être heureuse en ce monde : ce sont des compensations de la Providence, afin que tout soit égal, ou qu’au moins les plus heureux puissent comprendre, par un peu de chagrin et de douleur, ce qu’en souffrent les autres qui en sont accablés.

Je vous ai souhaité un lot à la loterie, pour commencer à rompre la glace de votre malheur. Cela se dit-il ? Vous me le manderez ; car je ne puis jamais raccommoder ce qui vient naturellement au bout de ma plume. Cela donc vous aurait remis en train d’être moins malheureux : mais je crois que ma nièce de Sainte-Marie le saurait, et qu’elle me l’aurait dit. Monsieur votre fils n’a rien gagné aussi : mais nous avons encore toutes nos espérances pour le gros lot, le roi l’ayant redonné au public. Le voyage de Bourbon est rompu. Mais je ne fais que de misérables répétitions : monsieur votre fils vous mandera tout assurément. La cour a voulu Y appeler M. de Bussy. Le nom de Rabutin est demeuré avec celui d’Adhémar que voulait prendre le chevalier de Grignan, et que Rouville seul a empêché de prospérer ; il faut l’attache des courtisans pour les noms. Celui d’Estrées est comblé de tous les titres qui peuvent entrer dans une maison.

Il ne faut point s’attacher à des pensées tristes et inutiles : il vaut mieux croire, comme notre ami Corbinelli me le prêche tous les

  1. Ce sont des traductions en vers de plusieurs épigrammes de Martial et de Catulle ; elles sont en général très-médiocres. Voici la plus courte, et peut-être la meilleure :
    Ad Fidentinum. Lib. t, ep. 39.
    Les vers que tu nous dis, Oronte, sont les miens ;
    Mais quand tu les dis mal, ils deviennent les tiens.