Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/528

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

très. Votre fils plaît extrêmement ; il a quelque chose de piquant et d’agréable dans la physionomie : on ne saurait passer les yeux sur lui comme sur un autre, on s’arrête. Madame de la Fayette me mande qu’elle avait écrit à madame de Montespan qu’il y allait de son honneur que vous et votre fils fussiez contents d’elle : il n’y a personne qui soit plus aise que madame de la Fayette de vous faire plaisir. Je ne suis pas surprise que vous ayez envie d’aller à Livry : bon Dieu ! quel temps ! il est parfait ; je suis depuis le matin jusqu’à cinq heures dans ces belles allées, car je ne veux point du froid du soir. J’ai sur mon dos votre belle brandebourg qui me pare ; ma jambe est guérie, je marche tout comme une autre. Ne me plaignez plus, ma chère bonne ; il faudrait mourir si j’étais prisonnière par ce temps-là. Je mande à mon fils que je n’ai que faire de lui, que je me promène, et qu’avec cela je l’envoie promener. Ils sont dans les plaisirs de Rennes, d’où ils ne reviendront que la veille du dimanche gras : j’en suis ravie, je n’ai que trop de monde. La princesse vient jouir de mon soleil ; elle a donné d’une thériaque céleste au bon abbé, qui l’a tiré d’un mal de tête et d’une faiblesse qui me faisaient grand’peur. Dites à ce Bien bon combien vous êtes ravie de sa santé. La princesse est le meilleur médecin du monde ; tout de bon, les capucins admiraient sa boutique : elle guérit une infinité de gens ; elle a des compositions rares et précieuses, dont elle nous a donné trois prises qui ont fait un effet prodigieux. Le Bien bon voudrait vous faire les honneurs de Livry ; si c’est le carême, ma bonne, vous y ferez une mauvaise chère, mais songerez-vous à l’entreprendre avec votre côté douloureux ? on ne me parle cependant que de votre beauté ; madame de Vins m’assure que c’est tout autre chose que quand je suis partie. Vous parlez du temps qui vous respecte pour l’amour de moi : c’est bien à vous à parler du temps ! Mais que c’est une plaisante chose que nous nayons pas encore parlé de la mort du roi d’Angleterre ! Il n’était point vieux, c’est un roi, cela fait penser que la mort n’épargne personne : c’est un grand bonheur si, dans son cœur, il était catholique, et qu’il soit mort dans notre religion. Il me semble que voilà un théâtre où il se va faire de grandes scènes ; le prince d’Orange, M. de Montmouth, cette infinité de luthériens, cette horreur pour les catholiques : nous verrons ce que Dieu voudra représenter après cette tragédie ; elle n’empêchera pas qu’on ne se divertisse encore à Versailles, puisque vous y retournez lundi.