Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/55

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dre de la peine que je prends à vous écrire, et à me prier de ne point continuer, je croirai que c’est vous qui vous ennuyez de lire mes lettres, et que vous vous trouvez fatigué d’y faire réponse ; mais sur cela je vous promets encore de faire mes lettres plus courtes, si je puis ; et je vous quitte de la peine de me répondre, quoique j’aime encore vos lettres. Après ces déclarations, je ne pense pas que vous espériez d’empêcher le cours de mes gazettes. Quand je songe que je vous fais un peu de plaisir, j’en ai beaucoup. Il se présente si peu d’occasions de témoigner son estime et son amitié, qu’il ne faut pas les perdre quand elles viennent s’offrir. Je vous supplie de faire tous mes compliments chez vous et dans votre voisinage. La reine est bien mieux.


4. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À M. DE POMPONNE.

Le lundi 24 novembre 1664.

Si j’en croyais mon cœur, c’est moi qui vous suis véritablement obligée de recevoir si bien le soin que je prends de vous instruire. Croyez-vous que je ne trouve point de consolation en vous écrivant ? Je vous assure que j’y en trouve beaucoup, et que je n’ai pas moins de plaisir à vous entretenir, que vous en avez à lire mes lettres. Tous les sentiments que vous avez sur ce que je vous mande sont bien naturels ; celui de l’espérance est commun à tout le monde, sans que l’on puisse dire pourquoi ; mais enfin cela soutient le cœur.

Mercredi, 26 novembre.

Ce matin M. le chancelier a interrogé M. Fouquet ; mais sa manière a été différente ; il semble qu’il soit honteux de recevoir tous les jours sa leçon par Boucherat[1]. Il a dit au rapporteur de lire l’article sur quoi on voulait interroger l’accusé ; le rapporteur a lu, et cette lecture a duré si longtemps, qu’il était dix heures et demie quand on eut fini. Il a dit : Qu’on fasse entrer Fouquet ; et puis s’est repris, M. Fouquet ; mais il s’est trouvé qu’il n’avait point dit qu’on le fît venir ; de sortequ’il était encore à la Bastille. On l’est donc allé quérir ; il est venu à onze heures. On l’a interrogé sur les octrois : il a fort bien répondu ; pourtant il s’est allé embrouiller sur certaines dates, sur lesquelles on l’aurait bien embarrassé, si on avait été

  1. Boucherat, alors maître des requêtes, et depuis chancelier, avait été chargé de faire mettre les scellés chez le surintendant. Il était de la commission chargée de la poursuite du procès.