Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/563

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

du reste. La fable du Lièvre[1] est tellement faite pour votre état, qu’il semble que ce soit vous qui la fassiez :

Jamais un plaisir pur, toujours assauts divers, etc.

Vous y pourriez ajouter encore :

Corrigez -vous, dira quelque sage cervelle.
Eh ! la peur se corrige-t-elle ?

Mais vous ne pourriez pas dire :

Je crois même qu’en bonne foi
Les hommes ont peur comme moi ;

car je trouve que les hommes n’ont point de peur. C’est une heureuse vieillesse que celle de M. l’archevêque : je suis bien honorée de son souvenir. J’attaquerai un de ces jours le coadjuteur ; je lui parlerai du bon ménage que nous faisions à Paris ; je suis ravie qu’il vous aime, et plus pour lui que pour vous ; car ce ne serait pas bon signe pour son esprit et pour sa raison, que de vous être contraire. J’aime Pauline : vous me la représentez avec une jolie jeunesse et un bon naturel : je la vois courir partout, et apprendre à tout le monde la prise dePhilisbourg ; je la vois et je l’embrasse : aimez, aimez votre fille, c’est la plus raisonnable et la plus jolie chose du monde ; mais aimez toujours aussi votre chère maman, qui est plus à vous qu’à elle-même.

M. de Bailli vient de sortir : il vous fait cent mille bredouillements, mais de si bon cœur que vous devez lui en être obligée. Mon cher comte, encore faut-il vous dire un mot de ce petit garçon ; c’est votre ouvrage que cette campagne : vous avez grand sujet d’être content : tout contribue à vous persuader que vous avez fort bien fait. Je sens votre joie et la mienne : ce n’est point pour vous flatter, mais tout le monde dit du bien de votre fils : on vante son application, son sang-froid, sa hardiesse, et quasi sa témérité.


268. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

À Paris, lundi 22 novembre 1688.

Je ne vous dis rien de ma santé, elle est parfaite ; nous avons fait des visites tout le jour, M. le chevalier et moi, chez madame Ollier, madame Cornuel, madame de Frontenac, madame de Maisons, M. du

  1. Fable de la Fontaine, le Lièvre et les Grenouilles, livre II, fable 54.