Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/581

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tréme ne vous rend pas insensible pour votre frère : ce sujet de reconnaissance est un peu nouveau ; c’est de le dispenser de commander le premier régiment de milice qu’il fait lever en Bretagne. Mon fils ne peut envisager de rentrer dans le service par ce côté-là ; il en a horreur, et ne demande que d’être oublié dans son pays. M. le chevalier approuve ce sentiment, et moi aussi, je vous l’avoue : n’êtes-vous pas de cet avis, ma chère enfant ? Je fais grand cas de vos sentiments, qui sont toujours les bons, principalement sur le sujet de votre frère. N’entrez point dans ce détail ; mais dites en gros que qui fait plaisir au frère en fait à la sœur. M. de Mo mont est allé en Bretagne avec des troupes, mais si soumis à M. de Chaulnes, que c’est une merveille. Ces commencements sont doux, il faut voir la suite.

Je trouvai hier Choiseul avec son cordon ; il est fort bien ; ce serait jouer de malheur de n’en pas rencontrer présentement cinq ou six tous les jours. Vous ai-je dit que le roi a ôté la communion de la cérémonie ? Il y a longtemps que je le souhaitais ; je mets quasi la beauté de cette action avec celle d’empêcher les duels. Voyez en effet ce que c’eût été de mêler cette sainte action avec les rires immodérés qu’excita la chemise de M. d’Hocquincourt ! Plusieurs pourtant firent leurs dévotions, mais sans ostentation, et sans y être forcés. Nous allons vaquer présentement à la réception de leurs Majestés anglaises, qui seront à Saint-Germain. Madame la Dauphine aura un fauteuil devant cette reine, quoiqu’elle ne soit pas reine, parce qu’elle en tient la place. Ma fille, je vous souhaite à tout, je vous regrette partout, je vois tous vos engagements, toutes vos raisons ; mais je ne puis m’accoutumer à ne point vous trouver où vous seriez si nécessaire : je m’attendris souvent sur cette pensée. Mais il est temps de finir cette lettre tout en l’air, et qui ne signifie rien ; ne vous amusez point à y répondre ; conservezvous, ayez soin de votre poitrine.


277. — DE Mme DE SÉVIGNÉ AU COMTE DE BUSSY.

À Paris, le jour des Rois 1689.

Je commence par vous souhaiter une heureuse année, mon cher cousin : c’est comme si je vous souhaitais la continuation de votre philosophie chrétienne ; car c’est ce qui fait le véritable bonheur. Je ne comprends pas qu’on puisse avoir un moment de repos en ce monde, si l’on ne regarde Dieu et sa volonté, où par nécessité il