Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/587

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que des tabourets. Les duchesses y seront, comme chez madame la Dauphine : voilà qui est réglé. Le roi a su qu’un roi de France n’avait donné qu’un fauteuil à la gauche à un prince de Galles ; il veut que le roi d’Angleterre traite ainsi M. le Dauphin, et passe devant lui. Il recevra Monsieur sans fauteuil et sans cérémonie. La reine l’a salué, et n’a pas laissé de dire au roi notre maître ce que je vous ai conté. Il n’est pas assuré que M. de Schomberg ait encore la place du prince d’Orange en Hollande. On ne fait que mentir cette année. La marquise (d’Uxelles) reprend tous les ordinaires les nouvelles qu’elle a mandées : appelle-t-ou cela savoir ce qui se passe ? Je hais ce qui est faux.

L’étoile de M. de Lauzun repâlit ; il n’a point de logement, il n’a point ses anciennes entrées : on lui a ôté le romanesque et le merveilleux de son aventure : elle est devenue quasi tout unie : voilà le monde et le temps.


280. — DE Mme DE SÉVIGNÉ À Mme DE GRIGNAN.

À Paris, lundi 17 janvier 1689.

Voilà donc ma lettre nommée ; c’est une marque de son mérite singulier. Je suis fort aise que ma relation vous ait divertie ; je ne devine jamais l’effet que mes lettres feront, celui-ci est heureux.

Si vous prenez le chemin de vous éclaircir avec l’archevêque, au lieu de laisser cuver les chagrins qu’on veut vous donner contre lui, vous viderez bien des affaires en peu de temps, ou vous ferez taire les redueiirs ; l’un ou l’autre est fort bon, et vous vous en trouverez très-bien ; vous finirez, à la vérité, le plaisir et l’occupation des Provençaux : mais vous retranchez de sottes pétoffes. M. de Barillon est arrivé ; il a trouvé un paquet de famille, dont il ne connaissait pas tous les visages. Il est fort engraissé. Il dit à AT. de Harlai : « Monsieur, oie me parlez point de ma graisse, « je ne vous dirai rien de votre maigreur. » Il est vif, et ressemble assez par l’esprit à celui que vous connaissez. Je ferai tous vos compliments, quand ils seront vraisemblables ; je les ai faits à madame de Sully, qui vous en rend mille de très-bonne grâce ; et à la comtesse (de Fiesque), qui est trop plaisante surM. de Lauzun, qu’elle voulait mettre sur le pinacle, et qui n’a encore ni logement à Versailles, ni les entrées qu’il avait. Il est tout simplement revenu à la cour ; son action n’a rien de si extraordinaire ; on en avait d’abord composé un fort joli roman.