Page:Sévigné - Lettres choisies, Didot, 1846.djvu/654

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bien je parle à notre duchesse de eertaines petites affaires peu divertissantes. Ce que vous pourriez faire de mieux pour moi, mon aimable cousin, ce serait de nous envoyer, par quelque subtil enchantement, tout le sang, toute la force, toute la santé, toute la joie que vous avez de trop, pour en faire une transfusion dans la machine de ma fille. Il y a trois mois qu’elle est accablée d’une sorte de maladie qu’on dit qui n’est point dangereuse, et que je trouve la plus triste et la plus effrayante de toutes celles qu’on peut avoir. Je vous avoue, mon cher cousin, que je m’en meurs, et que je ne suis pas la maîtresse de soutenir toutes les mauvaises nuits qu’elle me fait passer ; enfin, son dernier état a été si violent, qu’il en a fallu venir à une saignée du bras : étrange remède, qui fait répandre du sang quand il n’y en a déjà que trop de répandu ! c’est brûler la bougie par les deux bouts. C’est ce qu’elle nous disait ; car, au milieu de son extrême faiblesse et de son changement, rien n’est égal à son courage et à sa patience. Si nous pouvions reprendre des forces, nous prendrions bien vite le chemin de Paris ; c’est ce que nous souhaitons ; et alors nous vous présenterions la marquise de Grignan, que vous deviez déjà commencer de connaître, sur la parole de M. le duc de Chaulnes, qui a fort galamment forcé sa porte, et qui en a fait un fort joli portrait. Cependant, mon cher cousin, conservez-nous une sorte d’amitié, quelque indignes que nous en soyons par notre tristesse ; il faut aimer ses amis avec leurs défauts ; c’en est un grand que d’être malade : Dieu vous en préserve, mon aimable ! J’écris à madame de Coulanges sur Je même ton plaintif qui ne me quitte point ; car le moyen de n’être pas aussi malade par l’esprit, que l’est dans sa personne cette comtesse, que je vois tous les jours devant mes yeux ? Madame de Coulanges est bien heureuse d’être hors d’affaire ; il me semble que les mères ne devraient pas vivre assez longtemps pour voir leurs filles dans de pareils embarras ; je m’en plains respectueusement à la Providence.

Nous venons de lire un discours qui nous a tous charmés, et même M. l’archevêque d’Arles, qui est du métier : c’est l’oraison funèbre de M. de Fieubet, par l’abbé Anselme. C’est la plus mesurée, la plus sage, la plus convenable et la plus chrétienne pièce qu’on puisse faire sur un pareil sujet ; tout est plein de citations de la sainte Écriture, d’applications admirables, de dévotion, de piété, de dignité, et d’un style noble et coulant : lisez-la : si vous