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de voyage.

notre langue, dont il saisit les constructions grammaticales avec une rare sagacité. En revanche, il nous enseigne le malais et le chinois. C’est fort original d’entendre une conversation entre lui et nous en trois langues que nous ne comprenons guère. Toutefois, comme il parle assez bien l’anglais, j’ai pu me perfectionner avec lui. Il est d’une extrême complaisance et m’a donné la traduction littérale de plusieurs sentences indigènes dont j’ai retenu celles-ci :

« Le poison du cent-pieds (scolopendre) est placé dans sa tête ; celui du scorpion dans sa queue ; celui su serpent dans ses dents ; celui de l’homme partout.

« La poule ne boit pas une goutte d’eau sans élever ses regards vers le ciel.

« Recueille comme autant de perles précieuses les paroles de ceux qui sont un océan de science et nourris de vertu.

« De même que la terre supporte ceux qui la foulent aux pieds et lui déchirent le sein en la labourant, nous devons aussi rendre le bien pour le mal.

« Il y a encore, parmi les passagers de chambre, un bon vieux bien cassé, bien usé, presque sourd et aveugle, sec et parcheminé, qui couche sur le coffre à médicaments. Il peut à peine marcher, mais il mange comme quatre. J’allais oublier de dire qu’il n’avait plus de dents, sa bouche est un véritable gouffre qui engloutit tout sans mâcher. Chaque matin il se met sur son séant et confectionne sa provision de ciga-