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L’ENNEMI DES FEMMES

— Puisque vous me l’ordonnez, mademoiselle, c’est bien, j’irai devant. Mais je vous remercie de l’autorisation que vous me donnez de vous suivre par le beau temps.

Petrowna eut encore un frémissement de colère.

— Je ne vous autorise pas, en tout cas, à plaisanter avec moi.

Notre amoureux eut peur d’en avoir trop dit. Il passa devant la jeune fille, soupira en songeant qu’elle avait dû relever fort sa robe pour enjamber le lac, et quand il fut sur la place, il s’arrêta, se retourna et salua. Petrowna, comme une biche effarouchée, passa rapidement devant lui. Mais, même en courant, elle ne laissa pas apercevoir le bout de son pied.

Pendant que Constantin mettait ainsi ses talents en œuvre, Diogène réfléchissait et s’exhortait à contrarier un amour qui pouvait aboutir à un mariage raisonnable.

Ces passions, ces roueries sembleront quelque peu naïves aux beaux esprits de France ou d’Angleterre ; mais on ne doit pas oublier que nous sommes dans un pays qui garde encore bien de la sauvagerie ingénue et de l’enfantillage pittoresque dans ses mœurs. Les hommes y sont pleins de contrastes, et les vertus les plus héroïques ont là des envers parfois mesquins, parfois féroces.

Diogène se faisait un point d’honneur de garantir Constantin d’une séduction ; fallût-il pour cela compromettre le repos et la dignité de Petrowna. Cette