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LA CZARINE NOIRE

Pour te séduire, je fis le contraire des autres femmes. Lorsque le cor sonnait dans la cour du château et que toutes couraient à la fenêtre pour voir passer le grand czar, j’allais me jeter sur mon lit. Et quand elles parlaient de toi, je me bouchais les oreilles.

— Cela m’exaspérait. Je passais les fenêtres en revue et je me mordais les lèvres. Les baisers et les caresses des autres femmes m’écœuraient. Je vais à toi : tu quittes la chambre. « Demeure », dis-je. Tu croises les bras. « Viens près de moi. » Tu restes immobile. Alors je t’attire sur mes genoux. Tu me repousses. Tu me frappes au visage. Et moi, le grand czar, je me laisse frapper !

Narda lui passa doucement la main sur la joue et le baisa à pleines lèvres :

— Je te regardai et te dis : « Tue-moi, tu le peux, mais tu ne me forceras pas. Je me ris de toi. Tu es aussi impuissant qu’un enfant. »

— J’étais aussi impuissant qu’un enfant, reprit le czar à voix basse. Je te rencontre au jardin, une fleur à la main. « Donne-la-moi », te dis-je — « Tu l’ordonnes » ? demandes-tu. — « Non », m’écriai-je. Et tu jettes la fleur dans le fleuve, qui l’emporte jusqu’à la mer Noire.