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l’hôtelier une question qui déroutait provisoirement tout le plan qu’elle avait tramé contre le baron et le réduisait à une simple promenade. En effet, elle se rendit, par les champs, du côté opposé au château, mais, arrivée à une grand’route, revint vers celui-ci. Le crépuscule tombait comme elle s’approchait de ce dernier, si bien que, sans difficulté, et sans être observée, elle put parvenir devant une grande terrasse qui, de la salle à manger, donnait sur les jardins remplis de bouquets d’orangers et de citronniers, au milieu desquels elle était encadrée.

Légèrement, Anna gravit les degrés de cette terrasse, d’où, cachée par le feuillage d’un oranger, elle put découvrir tout ce qui se passait dans la salle.

De lourds soupirs soulevèrent sa poitrine lorsqu’elle aperçut l’homme, jadis bien-aimé, aujourd’hui détesté, au côté de sa jeune femme, merveilleusement vêtue et étincelante de bijoux. Ils prenaient le thé ensemble et il la caressait et la lutinait tout en la servant, tandis qu’elle lui souriait tendrement.

Alors, le démon de la haine qui sommeillait dans le cœur d’Anna s’éveilla subitement, elle tira de sa poche deux pistolets dont le baron lui avait jadis fait cadeau et les arma.

Au moment même où la baronne offrait ses