Page:Sacy, Féval, Gautier, Thierry - Rapport sur le progrès des Lettres, 1868.djvu/132

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avoir été à l’école de Mardoche, de Hassan et de Rafaël, gentilhomme français ; les poésies gracieuses et spirituelles d’Alphonse Daudet, de Bataille, d’Amédée Rolland et de tant d’autres… la liste se prolongerait indéfiniment.

À mesure que nous avançons dans notre tâche, elle se complique et devient de plus en plus impossible à remplir. L’étude de la matière nous révèle des œuvres ignorées, des noms inconnus ou du moins restés dans la pénombre et qui mériteraient la lumière, mais en telle quantité qu’il faudrait plusieurs volumes pour en donner l’idée la plus succincte. Trois ou quatre rayons de notre bibliothèque sont chargés de volumes de vers édités pendant ces dernières années, et la collection est loin d’être complète.

Qu’on nous permette une comparaison. Supposez qu’après être sorti de la ville pour rêver plus librement, on entre dans un petit bois dont les premiers arbres apparaissaient au bout de la plaine. Parmi les herbes rarement foulées un étroit sentier se présente ; on le suit en ses premiers détours. Sur ses lisières, au pied des chênes, à demi cachées sous les feuilles sèches du dernier automne, quelques violettes se font deviner à leur parfum. Parmi les branches que le vent froisse et remue avec un sourd murmure, vous entendez le gazouillement d’un oiseau invisible. Votre approche le fait envoler et vous l’apercevez gagnant d’un rapide coup d’aile un autre abri. Vous cueillez quelques violettes, vous notez le chant de l’oiseau et vous poursuivez votre route ; mais bientôt le bois se change en forêt ; des clairières s’y ouvrent comme des salons de verdure, des sources babillent entre les pierres moussues et forment des miroirs où viennent se regarder les cerfs. Les violettes s’enhardissent et s’offrent à vos doigts. Votre petit bouquet devient une gerbe où s’ajoutent le muguet avec ses grelots d’argent, la jolie bruyère rose et toute la sauvage flore des bois. Des arbres, des buissons, des halliers, des profondeurs de la forêt, s’élèvent mille voix qui chantent ensemble, chardonnerets, rouges-gorges, bouvreuils, pinsons, bergeronnettes, mésanges, merles, et, brochant sur le tout, quelques