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de la poésie

rompre d’un mouvement. Mais à quoi bon ? L’amour de l’homme ne provoque-t-il pas toujours la trahison chez la femme,

La femme, enfant malade et douze fois impur ?

Autant en finir tout de suite. Jamais vers plus magnifiques n’ont exprimé la satiété de l’héroïsme et le blasement de la force.

Des réimpressions de l’œuvre poétique de Sainte-Beuve ont fait connaître de nouvelles pièces du savant critique, d’un charme exquis et d’une délicatesse rare. Dans les Sylves, Auguste Barbier, l’auteur des Iambes, semble un poëte plein de grâce et de fraîcheur qui débute ignorant de sa gloire, et chante l’amour et la nature comme s’il n’avait que vingt ans ; Alfred de Musset ajoute à son œuvre quelques pièces inédites où palpite son cœur toujours ému sous une allure cavalière.

Un poëte qui dès sa jeunesse avait pris un rôle élevé, un rôle de précurseur, et qui a su introduire du naturel et de la fraîcheur dans une poésie qui jusque-là semblait trop craindre ces mêmes qualités, l’auteur du Cid d’Andalousie et du Poëme de la Grèce, M. Lebrun, en publiant en 1858 une édition complète de ses œuvres, nous a montré, par quelques pièces de vers charmantes, que dès l’époque du premier Empire il y avait bien des élans et des essors vers ces heureuses oasis de poésie qu’on a découvertes depuis et qu’il a été des premiers à pressentir, comme les navigateurs devinent les terres prochaines au souffle odorant des brises.

Quelle conclusion tirer de ce long travail sur la poésie ? Nous sommes embarrassé de le dire. Parmi tous ces poètes dont nous avons analysé les œuvres, lequel inscrira son nom dans la phrase glorieuse et consacrée : Lamartine, Victor Hugo, Alfred de Musset ? Le temps seul peut répondre.

THÉOPHILE GAUTIER.