Page:Sade - Historiettes contes et fabliaux, 1926.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
130
HISTORIETTES, CONTES ET FABLIAUX


trée, mais aussi faible que sensible, elle avait malheureusement laissé déjà cueillir à son délicieux amant cette fleur qui, bien différente des roses quoiqu’on les lui compare quelquefois, n’a pas comme elles la faculté de renaître à chaque printemps. Or qu’aurait pensé M. de Fontanis… un président au parlement d’Aix… en voyant sa besogne faite ? un magistrat provençal peut avoir bien des ridicules, ils sont d’état dans cette classe, mais encore se connaît-il en prémices, et est-il bien aise d’en trouver au moins une fois en sa vie dans sa femme. Voilà ce qui arrêtait Mllede Téroze qui, quoique très vive et très espiègle, avait cependant toute la délicatesse qui convient à une femme dans ce cas-là, et qui sentait parfaitement bien que son mari l’estimerait fort peu, si elle venait à le convaincre qu’elle avait pu lui manquer de respect même avant que de le connaître ; car rien n’est juste comme nos préjugés sur cette matière : non seulement il faut qu’une malheureuse fille sacrifie tous les sentiments de son cœur au mari que ses parents lui donnent, mais elle est même coupable si avant que de connaître le tyran qui va la captiver, elle a pu, n’écoutant que la nature, se livrer un instant à sa voix. Mlle de Téroze confia donc ses chagrins à sa sœur qui, beaucoup plus enjouée