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HISTORIETTES, CONTES ET FABLIAUX


élève : à tout instant du bigotisme, des mômeries ou des inutilités, et jamais une bonne maxime de morale. Allez plus loin, interrogez un jeune homme sur ses véritables devoirs envers la société, demandez-lui ce qu’il se doit à lui-même et ce qu’il doit aux autres, comment il faut qu’il s’y conduise pour être heureux : il vous répondra qu’on lui a appris à aller à la messe et à réciter des litanies, mais qu’il n’entend rien à ce que vous voulez lui dire, qu’on lui a appris à danser, à chanter mais non pas à vivre avec les hommes. L’affaire qui devint la suite de l’inconvénient que nous peignons, ne fut pas sérieuse au point de répandre du sang, il n’en résulta qu’une plaisanterie et c’est pour la détailler que nous allons abuser quelques minutes de la patience de nos lecteurs.

Monsieur de Raneville, âgé d’environ cinquante ans, avait un de ces caractères flegmatiques qu’on ne rencontre point sans quelque agrément dans le monde : riant peu, mais faisant beaucoup rire les autres et par les saillies de son esprit mordant et par la manière froide dont il les disait, il trouvait souvent, ou par son seul silence, ou par les expressions burlesques de sa physionomie taciturne, le secret d’amuser mille fois plus les cercles où il était admis, que