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LE MARI PRÊTRE
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Depuis longtemps le père Gabriel, l’un des saints de cet ermitage, convoitait une certaine femme de Menerbe dont le mari cocu s’il en fut jamais, portait le nom de M. Rodin. Mme Rodin était une petite brunette de vingt-huit ans à œil fripon, à croupe rebondie et qui paraissait faire en tous points un excellent morceau de moine. Pour M. Rodin, c’était un bon homme, cultivant son bien sans mot dire : il avait vendu du drap, il avait été viguier[1], c’était donc ce qu’on appelle un honnête bourgeois ; pas extrêmement sûr de la vertu de sa tendre moitié, il était pourtant assez philosophe pour sentir que la véritable façon de s’opposer à la trop grande excroissance d’une coiffure de mari, est d’avoir l’air de ne pas se douter qu’on la porte ; il avait étudié pour être prêtre, il parlait latin comme Cicéron, et jouait fort souvent aux dames rabattues avec le père Gabriel qui en courtisan adroit et prévenant, savait qu’il faut toujours faire un peu la cour au mari dont on a envie d’avoir la femme. C’était un véritable étalon des enfants d’Élie que le père Gabriel : on eût dit à le voir que toute la race humaine pouvait en paix se reposer sur lui du soin de la repropager ; un faiseur d’enfants s’il en

  1. Emploi municipal répondant à la charge de bailli.
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