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LA CHÂTELAINE DE LONGEVILLE
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heures du soir, c’est la malheureuse Louison sous les habits de Colas qui se trouve dans le cabinet où l’on veut surprendre l’amant de madame.

Avançons, dit M. de Longeville à ses gens qui non plus que lui n’avaient cessé d’être aux aguets, avançons, vous l’avez tous vu comme moi, mes amis, n’est-ce pas ? — Oui, monseigneur, parbleu c’est un joli garçon. — Ouvrez lestement la porte, jetez-lui des serviettes sur la tête pour l’empêcher de crier, enfoncez-le dans le sac et noyez-le sans autre forme de procès. Tout s’exécute au mieux, on bouche tellement l’organe de l’infortunée captive qu’il lui est impossible de se faire reconnaître, on l’enveloppe dans le sac au fond duquel on a eu soin de mettre de grosses pierres, et par la même fenêtre du cabinet où s’est fait la prise, on la précipite au milieu des fossés. L’opération faite, tout le monde se retire, et M. de Longeville gagne son appartement, très empressé d’y recevoir sa donzelle qui selon lui ne devait pas tarder de venir et qu’il était bien loin de croire si fraîchement placée. La moitié de la nuit se passe et personne ne paraît ; comme il faisait un très beau clair de lune, notre amant inquiet imagine d’aller voir lui-même au logis de sa belle quel motif pouvait

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