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HISTORIETTES, CONTES ET FABLIAUX

m’adressez… éclaircissez-moi au plus vite, que vous est-il donc arrivé ? — Rien que de très ordinaire, madame, dit Ménou, après soixante ans de vie il était tout simple d’arriver au port, grâce au ciel m’y voilà ; j’ai payé à la nature le tribut que tous les hommes lui doivent, je ne me plains que de vous avoir oubliée dans mes derniers instants, et c’est cette faute, madame, dont je viens vous demander excuse. — Mais, monsieur, vous battez la campagne, il n’y a point d’exemple d’une telle déraison ; ou revenez à vous, ou je vais appeler à moi. — N’appelez point, madame, cette visite importune ne sera pas longue, j’approche du terme qui m’a été accordé par l’Éternel ; écoutez donc mes dernières paroles et c’est pour jamais que nous allons nous quitter… Je suis mort, vous dis-je, madame, vous serez bientôt éclaircie de la vérité de ce que je vous avance. Je vous ai oubliée dans mon testament, je viens réparer ma faute ; prenez cette clef, transportez-vous à l’instant chez moi ; derrière la tapisserie de mon lit vous trouverez une porte de fer, vous l’ouvrirez avec la clef que je vous donne, et vous emporterez l’argent que contiendra l’armoire fermée par cette porte ; ces sommes sont inconnues de mes héritiers, elles sont à vous, personne ne vous les