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LES HARANGUEURS PROVENÇAUX
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lement une affaire de catins, tout cela sont de grands objets pour ces magistrats oisifs, depuis qu’il ne leur est plus possible de porter encore, comme sous François Ier, le fer et la flamme dans la province et de l’arroser des flots du sang des malheureux peuples qui l’habitent.

On délibéra donc — mais comment parvenir à faire traduire cette harangue, on avait beau délibérer, on n’en trouvait pas le moyen. Se pouvait-il que dans une société de marchands de thon accidentellement vêtus d’une jaquette noire, dont pas un seul ne sait seulement le français, il se rencontrât un confrère qui parlât le persan ? La harangue était pourtant faite ; trois avocats célèbres l’avaient travaillée six semaines ; enfin on découvrit, soit dans le troupeau, soit dans la ville, un matelot qui avait été longtemps dans le Levant et qui parlait persan presque aussi bien que son patois. On l’instruit, il accepte le rôle, il apprend la harangue et la traduit avec facilité ; le jour venu, on le revêt d’une vieille casaque de premier président, on lui prête la plus ample perruque du parquet, et suivi de toute la bande magistrale, il s’avance vers l’ambassadeur. On était convenu mutuellement de ses rôles, et le harangueur avait surtout bien recommandé à ceux qui le suivaient de