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LA PRUDE OU LA RENCONTRE IMPRÉVUE
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moment qu’elle sait cet étranger dans la maison, refuse absolument de paraître et ne descend plus même aux repas. Desportes croit qu’il gêne, il veut se loger ailleurs, Sernenval l’en empêche, et lui avoue enfin tous les ridicules de sa tendre épouse. — Pardonnons-lui, disait le mari crédule, elle rachète ces torts par tant de vertus qu’elle a obtenu mon indulgence, et j’ose te demander la tienne. — À la bonne heure, répond Desportes, dès qu’il n’y a rien de personnel pour moi, je lui passe tout, et les défauts de la femme de celui que j’aime ne seront jamais à mes yeux que des qualités respectables. Sernenval embrasse son ami et l’on ne s’occupe plus que de plaisirs.

Si la stupidité de deux ou trois ganaches qui depuis cinquante ans régissent à Paris la partie des filles publiques et nommément celle d’un fripon espagnol qui gagnait le règne dernier cent mille écus par an à l’espèce d’inquisition dont on va parler, si le plat rigorisme de ces gens-là n’avait pas bêtement imaginé qu’une des plus célèbres manières de mener l’État, un des ressorts les plus sûrs du gouvernement, une des bases enfin de la vertu, était d’ordonner à ces créatures de rendre un compte exact de la partie de leur corps que fête le mieux l’indi-