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ÉMILIE DE TOURVILLE
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tous les jours, et ce mois, comme vous l’imaginez aisément ne se passa point sans que nous ne nous fussions avoué l’un à l’autre les sentiments que nous éprouvions, et sans que nous ne nous fussions juré de les ressentir sans cesse.

Enfin M. de … me supplia de lui permettre de me voir dans un endroit moins gêné qu’un jardin public. Je n’ose me présenter chez M. votre père, belle Émilie, me dit-il ; n’ayant jamais eu l’honneur de le connaître, il soupçonnerait bientôt le motif qui m’attirerait chez lui, et au lieu que cette démarche dût étayer nos projets, peut-être leur nuirait-elle beaucoup ; mais si réellement vous êtes assez bonne, assez compatissante pour ne vouloir pas me laisser mourir du chagrin de ne plus me voir accorder ce que j’ose exiger de vous, je vous indiquerai des moyens. Je refusai d’abord de les entendre, et fus bientôt assez faible pour les lui demander. Ces moyens, monsieur, étaient de nous voir trois fois la semaine chez une madame Berceil, marchande de modes rue des Arcis, de la prudence et de l’honnêteté de laquelle M. de … me répondait comme de sa mère même. Puisqu’on vous permet de voir Mme votre tante qui demeure, m’avez-vous dit, assez près de là, il faudra faire semblant d’aller chez cette tante, lui faire effec-