Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 8, 1797.djvu/125

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sent devant moi ; je me détermine aux plus grands écarts, le bandeau tombe : je vois l’abîme et m’y précipite avec délices. Je foule aux pieds cet honneur chimérique, où les femmes immolent imbécilement leur félicité, sans qu’ils les dédommagent en rien des sacrifices offerts. L’honneur est dans l’opinion ; mais l’opinion qui rend heureux, c’est la sienne, et non pas celle des autres. Que l’on soit assez sage pour mépriser cette opinion publique, qui ne dépend en rien de nous ; assez éclairé pour anéantir le sentiment imbécile, qui ne nous conduit au bonheur que par des privations, et l’on éprouvera bientôt qu’il est possible de vivre aussi heureux, devenu l’objet du mépris universel, que sous les tristes couronnes de l’honneur. O ! mes compagnes de libertinage et de crimes, moquez-vous de ce vain honneur, comme du plus vil de tous les préjugés : un égarement d’esprit, une jouissance vaut mille fois mieux que tous les faux plaisirs que donne l’honneur. Ah ! vous sentirez un jour, à mon exemple, combien les voluptés s’améliorent, en enchaînant cette chimère, et comme moi, vous jouirez