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tenir beaucoup d’individus dans ce cruel état[1]. J’arrive à la prison de ma fille… je te laisse à penser avec quels projets ; je m’étais fait accompagner de deux de mes femmes, et d’une jeune fille, amie de la mienne. Après un souper délicieux, les plus savantes pollutions achevèrent d’embrâser mes sens, et furent les préliminaires de mon crime ; je pénètre enfin seule dans la tour, et passe d’abord deux heures dans ce déraisonnement, dans cette espèce de délire… dans ce décousement, divin langage de l’ivresse où nous plonge la lubricité, et qu’on hasarde si délicieusement avec un objet qui ne doit plus revoir la lumière : je te rendrais mal, mon amour, ce que je dis, ce que je fis… J’étais hors de moi, c’était la première victime que je sacrifiais ainsi ouvertement ; je n’avais jusqu’alors employé que la ruse, j’avais peu joui des effets. Ici c’était un assassinat de guet-apens… un meurtre prémé-

  1. Ce n’est que de cette volupté très-constante que naît l’usage d’en fermer le femmes en Asie ; la jalousie peut-elle exister dans l’ame d’un homme qui a deux ou trois cents femmes ?