Page:Sade - La nouvelle Justine, ou les malheurs de la vertu, suivie de L'histoire de Juliette, sa soeur, tome 8, 1797.djvu/249

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défend telle action, donc elle est injuste ; il est impossible de voir rien de plus trompeur que cette manière de juger ; car la loi est dirigée sur l’intérêt général, or rien n’est plus en contradiction avec l’intérêt général, que l’intérêt particulier, et rien n’est en même tems plus juste que l’intérêt particulier ; donc rien de moins juste que la loi qui sacrifie tous les intérêts particuliers à l’intérêt général. Mais l’homme, dit-on, veut vivre en société, il faut donc pour cela qu’il sacrifie une portion de sa félicité particulière à la félicité publique, soit ; mais comment voulez-vous qu’il ait fait un tel pacte sans être sûr de retirer au moins autant qu’il donne ? Or, il ne retire rien du pacte qu’il fait, en consentant aux loix ; car vous le grévez infiniment plus que vous ne le satisfaites, et pour une occasion où la loi le garantit, il en est mille où elle le gêne ; donc il ne devait pas consentir aux loix, ou les faire infiniment plus douces ; les loix n’ont servi qu’à reculer l’anéantissement des préjugés, qu’à nous enchaîner plus long-tems sous le joug honteux de l’erreur ; la loi est un frein que l’homme a donné à l’homme, quand il a vu la facilité avec laquelle il franchissait