Page:Sade - Les crimes de l'amour, Nouvelles héroïques et tragiques, tome 3, 1799.djvu/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ernestine entrer sans frémir, Oxtiern de son côté ne l’apperçut pas sans une émotion si vive, qu’il fut quelques minutes sans pouvoir s’exprimer. Vous avez vu Oxtiern, il est assez bel homme ; mais quelle âme enveloppa la nature sous cette trompeuse écorce. Le comte fort riche, et maître depuis peu de toute sa fortune, ne soupçonnait aucunes bornes à ses fougueux désirs, tout ce que la raison ou les circonstances pouvaient leur apporter d’obstacles, ne devenait qu’un aliment de plus à leur impétuosité ; sans principes comme sans vertu, encore imbu des préjugés d’un corps dont l’orgueil venait de lutter contre le souverain même, Oxtiern s’imaginait que rien au monde ne pouvait imposer de frein à ses passions ; or, de toutes celles qui l’enflammaient, l’amour était la plus impétueuse ; mais ce sentiment, presqu’une vertu dans une belle âme, doit devenir la source de bien des crimes dans un cœur corrompu comme celui d’Oxtiern.

Cet homme dangereux n’eut pas plu-